http://manfredjung.blogspot.com/" Il marche seul sous le soleil, comme à chaque fois. C'est un rêve, il le sait, et il ne ressent rien d'autre qu'un calme infini, une infinie disponibilité à ce qui vient à lui et vers quoi il marche. Aucune peur. Il sait que c'est un rêve, et qu'il y revient à l'identique comme une infinité de fois auparavant. Pas de menace. Rien que lui qui marche, et le soleil, comme il ne brille que dans les souvenirs d'enfance et dans les rêves où l'on y revient. Les rues sont vides. Les vivants ne sont plus, ou peut-être est-ce lui qui est mort, et qui marche dans un monde déserté par les vivants, un fantôme de souvenir de la vie - peut-être, même, les vivants n'ont-ils jamais été. Peut-être ce fantôme de souvenir où il se promène, ce monde amoindri, cet univers exténue où il erre, n'a-t-il jamais été que le seul monde, habité que par lui. Il se sent seul, seul incommensurablement, seul de toute éternité, au-delà des mots, seul dans tous ses souvenirs. "
Horloge! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit: "Souviens-toi!
Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d'effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible;
Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon
Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
A chaque homme accordé pour toute sa saison.
Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote: Souviens-toi! - Rapide, avec sa voix
D'insecte, Maintenant dit: Je suis Autrefois,
Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde!
Remember! Souviens-toi! prodigue! Esto memor!
(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or!
Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup! c'est la loi.
Le jour décroît; la nuit augmente; souviens-toi!
Le gouffre a toujours soif; la clepsydre se vide.
Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,
Où l'auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le Repentir même (oh! la dernière auberge!),
Où tout te dira Meurs, vieux lâche! il est trop tard!"